Aujourd’hui on vous parle de l’association Women Safe and Children qui agit au quotidien pour aider les femmes et les enfants victimes de violences. Cette association, c’est celle que nous avons choisi de soutenir à l’occasion de la vente que nous faisons pendant une semaine sur le site des Bienfaiteurs. Le principe, une sélection d’ensembles à prix doux et 10% du chiffre d’affaires reversé à une association.
Notre choix s’est rapidement porté sur Women Safe and Children dont le combat nous a semblé plus que nécessaire et l’engagement très pertinent. Car Women Safe and Children c’est un accompagnement psychologique et juridique des femmes et de leurs enfants mais également des formations destinées à des professionnels souvent en première ligne lorsqu’il s’agit de protéger les femmes victimes de violence.
 

On a été très impressionnées par le travail de cette association et on a voulu en savoir plus pour pouvoir vous en parler au mieux. Alors on est allée à Saint Germain en Laye, rencontrer Frédérique Martz, co-fondatrice de l’association.

Bonjour Frédérique, pouvez-vous revenir sur la genèse de Women Safe and Children ?
Ce centre créé en 2014 a été fondé sur un constat : c’est que les professionnels travaillaient en tuyaux d’orgue, donc l’idée était de faire un centre qui réunissait tous les professionnels dans un même lieu pour prendre en charge les victimes, d’une part leur état de santé, souvent aggravé par les violences subies et d’autre part d’assurer la partie juridique du suivi. Cette prise en charge peut être longue car l’état psychique de la personne nécessite que cette prise en charge soit pérenne et puisse l’amener à judiciariser sa situation.

Sur votre site, vous utilisez l’expression « sortir de la violence ». Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ?
La mission de ce centre c’est prendre en charge les femmes victimes de violence. Sortir de la violence ça veut dire quoi ? Ça veut déjà faire prendre conscience à la victime qu’elle est victime de violence. Souvent elle n’est pas consciente que son environnement n’est fait que de violences, violences qui sont souvent au début psychologiques et peuvent s’aggraver et se transformer en violences physiques ou sexuelles. Donc pour nous, quand on dit sortir une femme de la violence c’est : lui faire prendre conscience qu’elle est dans les violences et qu’elle peut franchir des étapes pour arriver à s’en sortir au sens physique du terme, donc quitter l’auteur. Sortir des violences c’est aussi réfléchir au fait que l’auteur lui-même est aussi une victime ou a été une victime dans l’enfance et que sa problématique peut se soigner mais ce n'est pas pour autant qu’une femme doit se résigner. Elle ne peut pas attendre que l’auteur des violences décide de se soigner, c’est vital pour elle qu’elle soit en réaction immédiate et qu’elle puisse s’échapper d’un lieu de violence, surtout si elle est accompagnée d’enfants.

Justement, pouvez-vous nous parler un peu des enfants que vous accompagnez ?
Au début le but n’était pas de prendre en charge les enfants. Cela a été notre seconde préoccupation. Ce centre était dédié aux femmes victimes, mais nous avons constaté que ces femmes victimes avaient aussi des enfants. Ces enfants étaient à l’époque qualifiés de témoins. Aujourd’hui on les qualifie bien de victimes car on sait qu’un enfant témoin est un enfant qui est en capacité de : soit reproduire la violence qu’il aura vu puisqu’il aura été éduqué dans la violence, soit de devenir une potentielle victime dans le temps. Car sa vulnérabilité et sa fragilité vont être accentuées par quelque chose qu’il n’aura pas compris et qu’il cherchera à reproduire ou à reproduire en la re-subissant.

Les cas de figure que nous venons d’évoquer concernent finalement souvent les violences conjugales, pourtant vous prenez également en charge d’autres types de violence.
Aujourd’hui on parle beaucoup de violences conjugales et j’ai envie de revenir sur un constat c’est que les violences sont partout et ont toutes les formes. Il faut aussi considérer que les violences ont toujours une origine. Quand on prend une personne en charge on a toujours besoin de rentrer dans l’anamnèse de la personne donc dans la vie antérieure et quand on peut avoir une déclaration franche du type « je suis victime de violence conjugale » et que dans l’enfance il y a eu un inceste, un viol ou autre et qu’il n’a pas été traité au sens psycho-traumatique, évidemment, cela a des répercussions sur la vie d’adulte. C’est cela qu’il faut comprendre aujourd’hui. Nous on veut réfléchir autrement, on veut réfléchir en disant, si une personne aujourd’hui a vécu dans son enfance une forme de violence elle va nécessairement être impactée dans sa vie d’adulte donc dans n’importe quel lieu elle pourra en subir les conséquences : au travail, dans la vie familiale, dans la rue, etc. car finalement c’est sa fragilité qui la construira. Avant on parlait beaucoup par formes de violence comme le viol, l’inceste, etc. Et on ne considérait pas qu’une personne puisse cumuler plusieurs sortes de violences.

Le confinement a été une période particulièrement dure pour les femmes victimes, notamment de violences conjugales. Comment avez-vous vécu cette période et avez-vous pu maintenir l’accompagnement ?
Effectivement le confinement a été une période très difficile pour les femmes. Confinés, ça veut dire rester ensemble et s’imposer une vie commune, alors que certaines femmes étaient plutôt contentes de retourner au travail pour fuir les conflits conjugaux. Durant cette période, elles ont été enfermées avec des maris violents. Ce fut une période très difficile car l’association a dû se réorganiser : notre travail est notamment basé sur la rencontre physique car le langage corporel dit beaucoup de choses. Il a donc fallu s’adapter pour continuer de les accompagner à distance. Chaque professionnel a continué d’échanger avec les femmes au téléphone. La chaîne ne s’est jamais rompue. Malheureusement il n’en a pas été de même pour les enfants. Ils n’étaient pas possible de les avoir au téléphone. Ce fut d’autant plus compliqué que ces enfants, enfermés dans des foyers violents ont vécu des scènes qui les ont impactés psychiquement.


Autre sujet malheureusement d’actualité, la guerre en Ukraine. Allez-vous être amenés à prendre en charge des femmes qui auraient pu subir des violences lors de leur périple vers la France ?
Nous prenons souvent en charge des femmes qui ont un parcours migratoire car elles sont très souvent victimes de violences. Ces femmes ont souvent besoin d’aide et l’aide qui leur est apportée est rarement gratuite… Nous nous préparons donc à aider toutes ces femmes qui vont bientôt arriver. Pour le moment le principal souci est leur santé physique, ce n’est donc que dans un second temps que nous pourrons les recevoir. Globalement, l’état psychique des réfugiées n’est pas assez pris en compte, pourtant c’est un enjeu majeur pour leur intégration. Tant qu’elles n’auront pas réussi à mettre des mots sur les traumatismes qu’elles ont vécus, elles ne pourront pas avancer.


Vous faites de la formation, en quoi consiste-elle et quels sont les publics visés ?
La formation est essentielle car beaucoup de professionnels vers lesquels les femmes se tournent ne sont pas formés à accompagner les victimes de violences.
Women Safe and Children travaille aujourd’hui beaucoup avec la police, une profession souvent remise en question. Notamment car c’est un métier en première ligne, des professionnels vers qui les femmes vont pour déposer plainte.
Evidemment un policier va prendre la plainte, mais il ne sait pas toujours prendre en charge correctement la victime car le policier n’a pas appris, il a été simplement formé à appréhender l’auteur.


Chez Women Safe and Children, nous essayons de faire comprendre aux policiers ce qu’est une victime, de leur faire comprendre qu’une victime peut ne pas être factuelle, être un peu étonnante dans ses réponses, être traumatisée par leurs questions. Nous expliquons aux policiers que le traumatisme c’est un cerveau qui a disjoncté, et que a partir du moment où les faits traumatisants vont être relatés, les réponses ne seront souvent pas suffisamment claires pour un dépôt de plainte, c’est pour cela que parfois les faits sont minimisés. Il est très important de créer une connexion qui va amener à ce professionnel une autre vision moins classique des choses. Cette formation va l’amener à réfléchir victime plutôt qu'auteur.


Aujourd’hui, vous cherchez à vous développer. Pour quelles raisons ?
Nous souhaitons aujourd’hui ouvrir d’autres centres car notre proposition est assez innovante : nous offrons différents types d’accompagnement dans un même centre et cela évite aux femmes d’être réorientées. Or la réorientation est souvent très dommageable pour les femmes qui s’épuisent à aller d’un service à l’autre pour chercher de l’aide. L’accompagnement des enfants est également quelque chose que peu de structures proposent. Cet accompagnement complet fait que nous accueillons aujourd’hui des femmes venant de toute la France, 51 départements différents au total. Cela ne nous semblait pas normal de faire traverser tout le pays à ces femmes alors qu’il nous suffisait d’ouvrir d’autres centres à proximité de chez elles. Nous travaillons donc actuellement sur l’ouverture de nouveaux centres partout en France et notamment en zone rurale ou dans les petites villes où il existe très peu de structures.

 

Pour en savoir plus sur l'association, rendez-vous sur leur site : https://www.women-safe.org/

Pour les contacter, c'est à ce numéro que ça se passe : 01 39 10 85 35


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